- DÉPENDANCE (gérontologie)
- DÉPENDANCE (gérontologie)DÉPENDANCEC’est une erreur de confondre dépendance et perte d’autonomie, car il ne s’agit pas du même état. On appelle autonomie le pouvoir de décider soi-même la conduite de sa vie alors que la dépendance concerne l’obligation de recourir à l’aide d’un tiers pour effectuer un à plusieurs actes de la vie quotidienne. Ainsi, un handicapé en fauteuil roulant peut néanmoins être autonome, tandis qu’un sujet présentant un déficit intellectuel de type Alzheimer a perdu son autonomie, malgré sa validité locomotrice. Tous deux sont dépendants.Causes de la dépendanceÀ l’origine des situations de dépendance on retrouve toujours une intrication de facteurs biologiques, fonctionnels, psychologiques et sociaux.Les causes médicales sont celles qui vont entraîner des limitations de la mobilité motrice et/ou des aptitudes intellectuelles. En ne citant que les principales, nous pouvons distinguer:– les fractures des membres inférieurs (col du fémur) et supérieurs (col de l’humérus et poignet) ainsi que celles de la colonne vertébrale (tassements), survenant toutes sur un squelette fragilisé par l’ostéoporose;– les affections rhumatismales invalidantes, comme la coxarthrose (atteinte de la hanche) et la gonarthrose (atteinte du genou);– les affections neurologiques, qui peuvent être des séquelles motrices et une aphasie consécutives à un accident vasculaire cérébral, la maladie de Parkinson et celle d’Alzheimer;– les affections psychiatriques que sont les syndromes dépressifs et les psychoses, de même que les troubles cognitifs;– les insuffisances cardiaque et respiratoire, qui limitent aussi le périmètre de marche, ainsi que la baisse de l’acuité visuelle et auditive, qui réduit gravement les communications;– les incontinences urinaires, dont l’action répulsive sur l’entourage est certaine.Les causes psychologiques sont évidentes: pour beaucoup, il est difficile d’accepter la dégradation physique du corps, et l’entourage à son tour accepte mal la dégradation intellectuelle qu’il constate et qui, dans 20 p. 100 des cas après 80 ans, conduit aux frontières de la maladie d’Alzheimer. «Il n’est pas facile de vivre lorsqu’on devient pour soi un objet de haine», nous dit Charlotte Herfray, et cela conduit au suicide un grand nombre de vieillards.Les causes sociales sont celles qui vont ajouter, au handicap provoqué par la maladie, des éléments qui conduisent à une dépendance aggravée. C’est l’isolement qui provoque la pathologie sociale dominante (à ne pas confondre avec la solitude, qui peut être parfois recherchée): il ne crée pas à lui seul une dépendance, mais peut considérablement aggraver une incapacité par absence d’un soutien naturel. Il peut être provoqué par l’absence de toute famille et le décès du conjoint. Mais il peut aussi être la conséquence d’une famille éloignée, géographiquement ou affectivement distante. Un voisinage indifférent, voire hostile, peut accentuer cet isolement, qu’une solidarité de voisinage chaleureuse peut au contraire réduire. Les liens sociaux, que ce soit au niveau du pays ou de la commune, peuvent ainsi contribuer à prévenir l’isolement: services privés ou municipaux étoffés, réseau de soutien et de solidarité faisant appel au bénévolat, services de proximité.Prise en chargeLe niveau de ressources permet non pas de réduire la dépendance, mais de mieux la prendre en charge. Les personnes à revenus élevés trouvent facilement des aides familiales; les plus pauvres, parce que pris en charge par l’Aide sociale, également. Les personnes à revenus modestes, mais supérieurs aux plafonds fixés par l’Aide sociale pour l’attribution des allocations dépendance, seront souvent obligés de rechercher une place dans une institution pour personnes âgées dépendantes.Tout cela a un coût qui devient important (cf. D. Bourget, R. Tartarin & M. Frossard, Le Prix de la dépendance , Document. franç., 1990). L’appel à la solidarité nationale permet la mise en place de régimes allocataires sous conditions de ressources. Des organismes d’assurances privés et de retraite complémentaire proposent aussi des contrats d’assurance-dépendance.Sous le nom d’allocation dépendance ou de prestation autonomie, la législation française (loi du 24 janvier 1997) institue, dans un premier temps, une prestation en nature «afin de garantir l’effectivité de l’aide». Remplaçant l’allocation compensatrice pour tierce personne (d’abord réservée aux handicapés puis étendue en 1996 à près de deux cent mille personnes âgées à faibles ressources), la prestation spécifique dépendance est gérée au niveau départemental. Elle sera calculée selon les ressources du bénéficiaire (plafond à 10 800 francs de revenu mensuel) et selon la privation plus ou moins grande d’autonomie. L’évaluation de l’importance de l’aide consentie se fait donc selon une grille autonomie gérontologie groupe isoressources (A.G.G.I.R.). Cette amélioration de la situation antérieure va concerner 300 000 personnes, ce qui reste insuffisant. Un effort supplémentaire, de la part des pouvoirs publics, s’imposera donc lorsque la situation budgétaire le permettra.L’assurance-dépendance est un produit lancé il y a quelques années par l’A.G.R.R. (Association générale de retraite par répartition) et la C.N.P. (Caisse nationale de prévoyance), suivies par d’autres organismes proposant des compléments de revenus destinés à couvrir les frais d’hospitalisation ou les coûts salariaux en cas d’emploi d’une tierce personne à domicile. La garantie prévoyance-dépendance peut s’adapter aux différentes situations; il s’agit soit d’un contrat individuel, soit de contrats collectifs de risque destinés à des groupes de personnes (associations, entreprises, mutuelles...) et permettant, de façon obligatoire ou facultative, de couvrir ce risque, la mutualisation du risque diminuant les coûts de façon substantielle.Conséquences pour l’individu et sa familleL’apparition, le plus souvent progressive, mais parfois brutale, d’une dépendance dans le grand âge est un drame non seulement pour l’individu affecté, mais aussi pour sa famille... C’est parfois pour celle-ci une remise en cause totale de son style et de son rythme de vie. La charge qui en découle peut être à la fois morale, financière et physique. Depuis une décennie, on a beaucoup écrit sur le rôle des «soignants naturels» agissant seuls bien qu’appuyés le plus souvent par des soignants professionnels (voir B. Ennuyer, par exemple). Mais la prise en charge familiale est fragile: risque de maladie ou d’accident du tuteur principal (conjoint, enfant adulte lui-même âgé), épuisement de la tolérance psychologique.En raison de la longévité qui se prolonge encore, conjuguée avec la faiblesse de l’aïeul, des maltraitances financières, psychologiques et physiques, par action ou par omission se font jour; elles sont dénoncées depuis une dizaine d’années dans les pays industrialisés. En France, un réseau d’écoute et de prévention de ces maltraitances (le réseau Alma) a été mis en place pour essayer de mieux connaître et d’atténuer le phénomène. La recherche d’un placement peut être une nécessité pour combattre l’isolement ou une solution pour une famille qui estime ne plus pouvoir faire face à domicile, même avec l’aide de services, à une charge qui dure et ne cesse de croître.Le mot «dépendance» est ainsi apparu dans la dénomination d’institutions spécialisées au début des années 1980; c’est le cas des maisons d’accueil pour personnes âgées dépendantes (M.A.P.A.D.), qui sont venues compléter le parc hôtelier à la disposition des anciens. Ces établissements ont été dans l’ordre de leur apparition, les hospices, les maisons de retraite, les «sections de cures médicales» et les M.A.P.A.D. Plus récemment sont nées au sein de ces dernières des unités psycho-gérontologiques, spécialisées dans l’accueil des personnes atteintes de maladies de type Alzheimer. Des formules intermédiaires entre le domicile et l’institution ont également vu le jour sous le nom de «domiciles collectifs» et de «familles d’accueil». Le parc hôtelier commercial se développe à son tour dans cette direction d’avenir.Éléments de prospectiveL’augmentation du pourcentage de sujets de plus de 75-80 ans dans tous les pays industrialisés, associé à un accroissement de leur longévité, a fait apparaître un nouveau risque: le risque dépendance, qui s’impose désormais au législateur à côté des autres charges (maladie, maternité), des plans médicaux et sociaux (cf. tableau). Au-delà du déséquilibre des régimes de retraite engendrés par cette évolution démographique se manifeste la nécessité de mettre en place une politique gérontologique de prévention (information, évaluation) et de mise en place de services et d’équipements, ainsi que tout ce qui peut permettre une réduction de la dépendance par des appareillages (prothèses, orthèses) et une meilleure organisation de l’habitat (informatique, domotique).Les évolutions démographiques sont lentes. Il n’y a de ce fait aucune prévision d’une réduction sensible de la montée démographique du grand âge dépendant; on peut espérer tout au plus une réduction de la durée de la dépendance. Il est probable, en outre, que les familles auront de plus en plus de mal à prendre en charge la dépendance de leurs anciens, en raison de la réduction de la progression du nombre des descendants (réduction de la natalité) et de leur propre vieillissement. Les «soignants naturels» devront de plus en plus travailler en étroite complémentarité avec les professionnels dans le cadre d’une nouvelle politique familiale de la vieillesse, dont les contours restent très flous. Famille ou institution? Il faudrait pouvoir aussi refuser cette alternative et développer davantage les formules d’hébergement médicalisé temporaire (de jour, de nuit, de vacances), ou définitives mais de petites dimensions (domiciles collectifs, maisons rurales) et où la présence de la famille reste privilégiée.
Encyclopédie Universelle. 2012.